Des milliers de Palestiniens sont en grève de la faim dans les prisons israéliennes - depuis plus d’une semaine ils protestent contre la détention à durée indéterminée sans charges et les mauvais traitements qu’ils décrivent ici.
Octobre 2011 - Manifestation de soutien aux prisonniers palestiniens grévistes de la faim dans les prisons israéliennes - Photo : Anne Paq/Activestills.org |
Certains de ceux qui ont été libérés ont décrit à Russia Today [RT] leur vie en prison.
Selon les organisations de droits humains de Cisjordanie, 2000 Palestiniens sont en grève de la faim depuis plus d’une semaine et d’autres sont prêts à se joindre à la grève la semaine prochaine. Actuellement il y a environ 5000 Palestiniens dans les prisons israéliennes. Chaque année, 700-800 mineurs sont arrêtés et 20% des Palestiniens sont passés par les prisons israéliennes.
Yahya as-Sinwar a été arrêté en 1988 et condamné à 462 ans de prison. Il en a fait 23 ans et il a maintenant 50 ans. C’est un des fondateurs du Hamas et de l’université islamique de Gaza. Israël l’a accusé d’organiser et de diriger l’unité de sécurité intérieure du Hamas, MAJD, et d’avoir tué des traîtres palestiniens qui espionnaient pour le compte d’Israël. As-Sinwar affirme qu’il n’avait pas le choix parce que ces gens mettaient le mouvement de résistance en danger.
As-Sinwar nous parle des différents types de torture qui ont été utilisés régulièrement contre lui pendant toutes les années qu’il a passées en prison : "Ils m’empêchaient de dormir 10 jours d’affilée. Quand je m’assoupissais, ils versaient de l’eau glacée ou bouillante sur moi -selon leur envie du moment. Ils m’attachaient le bras derrière le dos, me jetaient par terre, un gardien de prison s’asseyait sur mon ventre ou ma poitrine et m’appuyait sur l’aine, la douleur était épouvantable." Selon lui, le Shabak (les services secrets israéliens) utilise la torture pendant l’enquête et le Shabas (le service carcéral israélien) torture les prisonniers condamnés. "Ils ont deux départements - Nahshon et Metzada - qui s’emploient à complètement détruire psychologiquement les gens. Ces méthodes ne sont utilisées nulle part ailleurs dans le monde."
Selon lui, les gardiens de prison israéliens pouvaient attacher un prisonnier à une chaise d’enfant et le forcer à se balancer pendant des jours ou mettre une personne dans une glacière (après ce traitement, ses membres doivent généralement être amputés).
"Ils attachent aussi les prisonniers par les mains et les laissent suspendus pendant 24 heures. Ou ils étouffent un prisonnier, le regardent bleuir, le laisse respirer un peu, l’étouffent et ainsi de suite" a confié as-Sinwar à RT. "Quand ils ont torturé mon meilleur ami, ils l’ont battu sur le crâne avec des journaux roulés serrés. Cela donne de terribles maux de tête qui rendent fous, et tous les organes internes sont endommagés."
Selon as-Sinwar, ce genre de torture ne laisse pas de traces et même un bon docteur aurait du mal à constater des signes de mauvais traitement.
"Ils étudient les prisonniers pour mettre au point quelque chose de particulièrement humiliant au cas par cas. Pour un Palestinien c’est plus facile de mourir que de subir une humiliation -ils le savent très bien et ils nous humilient très cruellement."
As-Sinwar explique que les prisonniers ne peuvent pas avoir les médicaments dont ils ont besoin : "Même après de longues et douloureuses heures d’attente, on ne peut pas voir un docteur, c’est une infirmière qui nous donne à tous le même remède, un analgésique. Ils se moquent complètement que les prisonniers meurent ou qu’ils souffrent horriblement.
As-Sinwar est convaincu que la grève est le seul moyen qui reste aux prisonniers palestiniens pour exprimer leur mécontentement. "Les prisonniers en Israël ne reçoivent que 10% de la nourriture qu’on sert dans les prisons des autres pays. Après plusieurs jours de grève de la faim les détenus ressemblent à des morts-vivants. Les gardiens doivent les porter sur des civières pour les emmener aux interrogatoires et les ramener et les jeter sur le sol en pierre de leur cellule ensuite.
Des cellules de 1,20 m sur 80 cm
Toutes les palissades du quartier de Gaza où se trouve la maison de Ayman Hatem Afif al-Shakhshir sont couvertes d’inscriptions pour lui souhaiter une bonne santé et tout le meilleur. Il a passé 19 ans en prison sur les 550 années de sa condamnation et a été libéré en échange du caporal Shalit. Ayman Hatem Afif al-Shakhshir descend d’une famille palestinienne connue. Il a été arrêté à l’âge de 28 ans. Ses trois filles ont grandi et deux se sont mariées et ont eu des enfants pendant qu’ils était en prison.
Ayman était le chef d’une des Brigades Izz ad-Din al-Qassam, l’aile militaire du Hamas. Il a été accusé d’avoir participé à des attaques contre le personnel militaire israélien déployé à Gaza. "Aucun des détenus n’a pu avoir une seule visite depuis 2006, ce qui fait 5 ans. Mon père est mort sans me voir une seule fois pendant les 10 dernières années de sa vie. C’est seulement grâce à la Croix Rouge que j’ai pu recevoir de rares lettres - c’était le seul lien que j’avais avec ma famille et mes enfants ont grandi sans moi" explique Ayman.
Il dit que sa cellule n’était pas destinée à un être humain.
"C’était une minuscule cellule de 1,2 m sur 0,8 m qui ne permettait pas de s’allonger, ni de se tenir debout, ni d’allonger ses jambes, il n’y avait pas de meubles et on recevait une seule fois par jour une nourriture immangeable. Je connais des prisonniers qui ont passé 25 ans dans de pareilles cellules."
"La propagande israélienne fait croire au monde entier que leurs prisons sont des hôtels cinq étoiles, mais ce ne sont que des mensonges. Et quand ils disent que les prisonniers ont le droit de suivre des cours dans des écoles israéliennes, c’est aussi un mensonge."
Ayman a obtenu ses diplômes universitaires en Défense Sociale grâce au programme à distance de l’université de Gaza. "Aujourd’hui on refuse aux prisonniers toute possibilité d’étudier. Tout le système a pour but de briser la volonté des prisonniers, et donc on leur refuse tout ce qui pourrait les relier au monde extérieur," explique-t-il.
Ayman est convaincu que les condamnations insensées de plusieurs centaines d’années ont pour seul but de briser la volonté des prisonniers.
"Ils veulent que les prisonniers assis dans ce trou de pierre sachent qu’ils y mourront. Mais ils se trompent fort. Tous les Palestiniens comptent sur l’aide de Dieu et cette espérance, personne ne la leur prendra."
Elle a mis son bébé au monde, les mains et les pieds liés
Samar Isbeh a été arrêtée à l’âge de 22 ans, au cours d’une manifestation étudiante. Elle a été condamnée à deux ans et demi de prison. Elle a maintenant 28 ans et habite à Gaza alors que sa famille et celle de son mari habitent en Cisjordanie.
"J’ai été arrêtée trois mois après mon mariage. J’étais présidente du Conseil des étudiants de l’université islamique. On avait organisé une manifestation contre l’occupation. J’ai été arrêtée chez mon mari à Tulkarm. Deux jours plus tard mon mari a aussi été arrêté et condamné à 9 mois de prison bien qu’ils n’aient pu retenir aucune charge contre lui" nous dit Samar.
Elle a été déportée dans la bande de Gaza et elle n’a pas le droit d’aller à Tulkarm et ne peut dont voir ni son mari ni ses enfants. "J’étais enceinte d’une semaine quand ils m’ont arrêtée. Ils m’ont torturée de toutes les manières possibles. Ils m’ont torturée dans une cellule sous terre pendant 66 jours. Ils m’ont obligée à me balancer sur une chaise d’enfant, ils m’ont enfermée dans une cellule disciplinaire frigorifiée", raconte Samar.
"Mes mains et mes pieds étaient attachés quand j’ai accouché. Ils m’ont fait une césarienne, non pas parce que mon état le nécessitait mais par pure haine. Ils m’ont laissée accoucher mais ils ont traité le bébé comme un prisonnier lui aussi. Ils ne nous pas ont donné de lait, ni de couches sauf parfois lorsque la date de péremption était dépassée. Les conditions de ma détention avant et après la naissance étaient très mauvaises. Je n’avais pas le droit de sortir prendre l’air. Le seul médicament qu’ils nous ont donné au bébé et à moi, c’était du Paracétamol."
Enceinte et en grève de la faim
Patima Zakka a 42 ans. Elle a été libérée d’une prison israélienne en échange d’une vidéo qui montrait Gilad Shalit en captivité. La vidéo a été remise aux Israéliens par ceux qui détenaient Shalit juste avant le procès de Patima et elle a été relâchée la veille de l’audience. C’est pourquoi elle n’a jamais eu de condamnation.
Patima a été accusée d’avoir planifié un attentat-suicide dans un autobus de personnel militaire israélien. Le procureur a requis 12 ans de prison pour cette mère de 8 enfants. "Je ne savais pas que j’étais enceinte quand ils m’ont arrêtée" dit Patima. "C’est une infirmière qui me l’a dit en prison. Mes 8 enfants sont restés sans mère. Personne ne m’avait demandé de faire sauter qui que ce soit. C’est vrai qu’ils [les Israéliens] avaient tué mon frère et plusieurs membres de ma famille - mais c’est le cas de la plupart des gens en Palestine."
Patima dit qu’on lui a fait endurer toute la série des techniques d’interrogatoire. "Ils m’ont torturé pendant ma grossesse" dit-elle. "Ils m’ont mise dans une cellule glacée, et m’ont changée sans cesse de cellule. Ils voulaient que je fasse une fausse couche. Les mauvais traitements ont causé des saignements." C’est ce qui a décidé Patima à entamer une grève de la faim. Elle n’a pas mangé pendant 21 jours.
"Ils ne m’ont pas laissé le choix" explique-t-elle. Allah soit remercié, je n’ai pas perdu mon bébé. Il est né en prison. Il s’appelle Yousef."
"L’obstétricienne m’a hurlé dessus et m’a traitée comme un animal" dit Patima. "Elle a refusé de me faire un scanner et de m’anesthésier. Elle n’a pas cesse de me maudire. Mais vous savez, elle a été punie tout de suite : elle s’est cogné la tête dans ma cellule et s’est fait très mal. Allah m’est venu en aide. Elle m’a dit : "Vous êtes une terroriste et votre enfant aussi sera un terroriste." Mais j’ai mis au monde mon beau Yousef. Et les vrais terroristes, ce sont ces docteurs qui sévissent dans les prisons israéliennes."
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