LILLE (Reuters) - Dominique Strauss-Kahn a été mis en examen lundi soir pour proxénétisme aggravé en bande organisée dans l'affaire du Carlton de Lille et laissé en liberté sous contrôle judiciaire, a annoncé le parquet.
L'ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI) devra verser en outre une caution de 100.000 euros.
Dans le cadre du contrôle judiciaire, il a interdiction d'entrer en contact avec les autres personnes mises en examen, les parties civiles et la presse au sujet des faits visés par la procédure, précise le procureur dans un communiqué.
L'audition de l'ancien "patron" du FMI, qui devait initialement se dérouler mercredi en même temps que les audiences au civil à New York dans l'affaire du Sofitel, a eu lieu avec deux jours d'avance.
Dominique Strauss-Kahn a été entendu par les trois juges chargés du dossier dans le cadre d'une enquête sur un réseau de proxénétisme, dite affaire du Carlton, du nom de l'hôtel de Lille où opéraient des prostituées.
Dominique Strauss-Kahn, qui a quitté le palais de justice de Lille après son audition, a aussitôt contesté sa mise en examen.
"Il déclare avec la plus grande fermeté n'être coupable d'aucun de ces faits et en particulier n'avoir jamais eu la moindre conscience que certaines femmes rencontrées pouvaient être des prostituées", a dit l'un de ses avocats, Me Richard Malka, à la presse.
"À supposer même qu'il aurait connu le statut des femmes dont il est question, il faut rappeler que le fait d'avoir une relation avec une 'escort' ne constituerait pas une infraction au regard de la loi française et relèverait d'un comportement privé, parfaitement licite entre adultes", a-t-il ajouté.
Dominique Strauss-Kahn affirme ne jamais s'être rendu à l'hôtel Carlton de Lille. "Ce volet de l'instruction ne le concerne en aucun cas", a indiqué son avocat.
Les enquêteurs s'intéressent à l'ancien ministre des Finances après avoir mis au jour ses rencontres avec des prostituées organisées en 2010 et 2011 par deux amis entrepreneurs et un policier, à Paris, Washington et à Lille.
IMMUNITÉ À NEW YORK ?
La qualification de "recel d'abus de biens sociaux" était également envisagée, mais elle supposait d'avoir des éléments susceptibles de prouver que l'ancien patron du FMI savait que les jeunes femmes rencontrées étaient payées par ses amis avec les fonds de leurs sociétés.
Les audiences au civil débuteront mercredi dans l'affaire Nafissatou Diallo devant un tribunal de New York, où l'ancien patron du FMI et la femme de chambre du Sofitel qui l'accuse d'agression sexuelle seront représentés par leurs avocats.
Les défenseurs américains de Dominique Strauss-Kahn et ceux de Nafissatou Diallo vont s'opposer sur le point de savoir si la fonction de directeur général du FMI, que le Français exerçait alors, lui vaut ou non une immunité judiciaire.
Nafissatou Diallo accuse Dominique Strauss-Kahn de l'avoir contrainte à un acte sexuel le 14 mai dernier dans la suite 2806 du luxueux hôtel de Manhattan. Arrêté alors qu'il s'apprêtait à décoller pour l'Europe, l'ex-favori des sondages pour la présidentielle en France a passé plusieurs jours en prison et sa carrière politique a été torpillée.
En août, le procureur Cyrus Vance a renoncé à le poursuivre au pénal en raison des contradictions apparues dans les dépositions de Nafissatou Diallo.
La plainte au civil, déposée parallèlement, constitue l'ultime chance pour la jeune femme de faire reconnaître la responsabilité de Dominique Strauss-Kahn dans ce que ses avocats qualifient d'agression sexuelle "brutale".
L'ex-ministre de l'Economie a admis une "relation inappropriée" et une "faute morale" mais réfute les allégations d'agression sexuelle. Ses avocats américains ont estimé que Nafissatou Diallo était mue par des motivations financières.
En droit américain, l'abandon d'une plainte au pénal ne signifie pas l'arrêt d'une procédure au civil, dans laquelle les règles d'établissement de la preuve sont moins strictes.
L'audience de mercredi devant la Cour suprême de justice du Bronx sera présidée par le juge Douglas McKeon, qui va examiner l'argument de l'immunité que plaident les avocats de Dominique Strauss-Kahn.
"C'est une audience déterminante mais très technique", déclare le juge McKeon dans une interview publiée en France par Le Journal du dimanche.
"Dominique Strauss-Kahn demande l'abandon des poursuites car il considère que, lors de son arrestation, il était protégé par son immunité diplomatique en raison de ses fonctions au FMI", ajoute le magistrat, qui précise qu'il mettra "deux à trois semaines" pour rendre sa décision.
Les avocats de la plaignante estiment pour leur part que Dominique Strauss-Kahn ne bénéficiait au mieux que d'une "immunité limitée", soit une forme de protection juridique inopérante pour une affaire d'agression sexuelle présumée.
Pascal Rossignol et Anthony Paone
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