lundi 9 mai 2011

Chapitre 1 - La Preuve


A Catherine
pour ton aide, ta patience, ta compassion, ton affection.
C’est grâce à toi si j'en suis là aujourd’hui.
Merci.

Au véritable et légitime Créateur de la Race Humaine,
Puissent Tes enfants enfin reconnaître leur vrai Père.


Catherine, ma meilleure et seule amie, tenta de se suicider le 18 décembre 2009. Je savais qu’elle était à bout depuis déjà longtemps, comme moi d’ailleurs, mais les derniers évènements vécus furent la goutte de trop, celle qui fait déborder le vase, et la manière qu’elle choisit pour mettre fin à ses jours ne laissait aucun doute sur son état d’esprit ni son intention.
Après un périple de 900 kilomètres sous une tempête de neige, j’arrivais enfin chez elle et découvris une maison ravagée. On me rapporta que les pompiers avaient été obligés de casser volets et fenêtres pour la sortir de ce tombeau mais aussi pour aérer la maison qui pouvait exploser à tout moment. Elle avait placé trois bouteilles de gaz près de son lit, ouvertes naturellement, et plus d’une trentaine de bougies allumées avaient été disséminées dans toutes les  pièces. Malgré tout cela, rien n’avait sauté.
Elle avait été transportée à l’hôpital en pleine nuit et dès le petit matin, demandait à être ramenée chez elle et c’est ce qui se passa aussitôt son bilan de santé terminé. C’est à ce moment-là que je la retrouvais.
Elle allait plutôt bien pour quelqu’un qui avait tenté de mettre fin à ses jours. Les pompiers avaient été stupéfaits que la maison n’ait pas explosé. Quant au médecin qui s’occupa d’elle, il fut sidéré de constater le bon état de ses poumons après pareille inhalation.

Pour Catherine, la descente aux enfers avait commencé petit à petit douze ans auparavant, quelques temps après notre rencontre début 1998.
A l’époque, elle vivait à Paris où elle exerçait la profession de thérapeute, et gagnait très bien sa vie. De nature solitaire et indépendante, elle s’était organisée une nouvelle vie après son divorce. Elevée dans la religion catholique, elle en avait pris  ses distances très jeune, bien que très croyante.
C’est donc en tant que cliente que je la rencontrais la première fois. Je n’habitais pas Paris à l’époque mais ma vie de commerçante, m’amenait régulièrement dans la capitale. Je profitais de ces occasions de voyage pour m’occuper de moi, m’intéresser à d’autres domaines, sentant poindre un profond changement dans ma vie. Un changement que je désirais plus que tout.
Catherine m’avait été recommandée pour être  excellente et je recherchais autant la compétence que la discrétion. Dans la ville de province où je vivais, notre grande famille était très connue. Un grand nombre de commerces lui appartenait, aussi étant plutôt discrète de nature et déjà exposée commercialement, je ne tenais pas à l’être aussi personnellement, d’autant que je vivais des situations graves depuis plusieurs années. Enfin, disons, de plus en plus graves.
La dernière en date m’avait enfin donné la preuve que mes ressentis étaient justes depuis le début, aussi j'étais décidée à quitter cette famille. Je n’en pouvais plus. Je venais de vivre plus de six ans de calvaire et ne comprenais toujours pas pourquoi j’avais droit à tant de malveillance de la part de ces gens.


Si seulement je m'étais écoutée...      
En 1990, à l’initiative de mon frère, plus jeune que moi de six années, nous nous étions rapprochés commercialement.
Nous avions auparavant chacun nos propres affaires mais la manière magistrale dont je m’étais sortie du désastre financier à la suite de mon divorce lui avait donné l’idée de travailler avec moi.
Avant cela, nous n’étions pas vraiment proches, nous nous étions même éloignés progressivement depuis mon mariage, mais pendant l’été 1985, alors qu’il  négociait l’achat d’un nouveau magasin dans le centre commercial, juste en face de là où nous étions déjà installés mon mari et moi, il me proposa de m’en céder une partie.
Le magasin qu’il convoitait avait une superficie trop importante pour son projet qui était de créer une énième  boutique franchisée identique à celles qu’il possédait déjà dans les rues du centre ville. Il possédait les droits d’exploitation exclusifs pour toute la ville d'une grande marque de prêt-à-porter mais en contrepartie devait avoir un nombre minimum de points de vente. Aussi, il n’était pas décidé à  laisser passer cet emplacement numéro un.
Il me demanda alors si j’étais  intéressée par en prendre une partie à des conditions très avantageuses.
Cette idée comportait des avantages pour chacun de nous.
De son côté, il avait l’emplacement et la surface parfaite qu’il désirait et pour ma part, je faisais une affaire en payant le prix d’un super emplacement inversement proportionnel à sa surface.
Et, il était juste en face de là où nous étions déjà installés mon mari et moi.
L’autre gros avantage était que ce magasin serait uniquement le mien. J’étais à ce moment là en instance de divorce et mes affaires étaient aussi celles de mon mari bien que nous soyons mariés en séparation de biens.
Un paradoxe hérité de mes parents qui m’avaient obligée à me marier, comme eux, sous contrat pour ensuite me conseiller de mettre nos deux noms sur tous nos biens!
Bref, ce magasin, si je l’acceptais, serait uniquement à moi. C’était une aubaine d’autant que le divorce s’annonçait long et difficile.  Bien sûr, je saisis cette opportunité.
Commercialement cela ne me posait pas de problème puisque à l’opposé de mon frère, nous n’avions que des commerces multi-marques.
Et puis cet arrangement avait aussi l’avantage de calmer le climat délétère qui existait depuis que, justement, pour acquérir cette exclusivité, il avait, avec l’aide de notre père, négocier un contrat dans notre dos à mon mari et moi. Contrat qui nous retirait la distribution de la marque que nous exploitions auparavant.
Un jour, mon frère avait débarqué au magasin nous annonçant tout content qu’il en était désormais le dépositaire exclusif pour toute la ville.
A l’époque, elle était une des plus importantes de nos magasins. Elle représentait une part importante de notre chiffre d’affaires notamment dans le dernier magasin que nous venions d’acquérir qui nous avait coûté une petite fortune. Il fallait à tout prix rentabiliser cet important investissement. Ce fut un coup dur d'autant qu’il fallut se retourner très vite pour trouver un produit de remplacement.
   
Aussi, après que mon frère m’eut offert cette opportunité, le climat se radoucit considérablement entre lui et moi surtout que simultanément je vivais un divorce difficile qui me mettait à rude épreuve sur tous les plans.
Le travail m’aidait à tenir le coup et j’étais déterminée à garder les magasins que nous avions acquis depuis notre mariage.
Au fur et à mesure que je les récupérais, je procédais à des restructurations. Je voulais travailler en collaboration plus étroite avec certains fournisseurs avec lesquels j’avais développé d’excellentes relations et dont les produits se vendaient très bien.
En effet, j’étais celle de nous deux qui s’occupait de tous les aspects commerciaux : sélections et achats des produits, relations fournisseurs, gestion commerciale des magasins, présentation des produits, réassorts... etc.

Je souhaitais désormais proposer des articles qui initialement  n’existaient pas dans leurs collections en leur demandant de les fabriquer pour moi. Des produits dont je savais qu’il y  avait une demande importante.  

Ce fut le cas notamment pour deux marques. Le succès immédiat m’aida à sortir plus rapidement que prévu des gros soucis financiers dans lesquels je me débattais depuis mon divorce. Je me fis rapidement connaître pour mes idées originales et avant-gardistes, pour mon flair à faire fabriquer des vêtements aussi jolis que commerciaux. La couleur fut aussi une composante commerciale essentielle dans mon approche. Mes concurrents tentèrent de s’approprier mes fournisseurs mais c’était peine perdue car cette fois-ci j’avais verrouillé mes partenariats!

Mon frère, lui, avait suivi de très près mon évolution commerciale pendant et après mon divorce et c’est à ce moment-là qu’il entreprit des travaux d’approche pour une association.
Sur le plan personnel, j’étais ébranlée et vulnérable.
Cela faisait des années que je luttais seule. Bien sûr, il y avait  mes parents mais comme à leur habitude, ils me laissaient me débrouiller. Autant mon frère était leur dieu vivant à qui ils  passaient tous les caprices, autant moi c’était l’exact opposé,  surtout depuis sa naissance et encore plus depuis mon mariage.
Mis à part les fêtes, les  repas de famille où nous nous voyons mais ne parlions jamais de rien d’important, du moins à mes yeux, j’étais vraiment seule.
Heureusement, j’avais ma fille. 
Au moment de notre rapprochement, mon frère avait beaucoup plus d’argent que moi. Il travaillait peu, préférant faire travailler les autres. Le projet qu’il me présenta était mirobolant. Il s’agissait d’unir nos forces pour créer une entreprise via plusieurs sociétés qui contrôlerait tout d’amont en aval, depuis la fabrication jusqu’à la distribution.
C’était mon rêve !        
Et il est vrai que nous avions chacun nos propres talents.  
Aussi à plus d’un égard, cette proposition me tentait.
Je connaissais les talents financiers de mon frère qui obtenait toujours tout ce qu’il voulait. Quant à moi, mon ambition et mes besoins personnels y voyaient là une opportunité de réalisation, et aussi l’occasion de revenir dans le giron familial et recevoir enfin l’attention, la reconnaissance et l’amour qui me manquaient tant depuis mon enfance !
J’avais trente cinq ans à cette époque et j’aurai fait presque n’importe quoi pour être reconnue par mes parents à ma juste valeur.  Aussi, je plongeais sur cette idée si bien présentée et vendue par mon frère. Et puis je voulais y croire. J’avais besoin d’y croire. Mes parents paraissaient ravis. Ils retrouvaient leur fille après ce mariage si calamiteux.

Au fur et à mesure de mes rendez-vous professionnels avec mon futur associé,  il y avait de plus en plus de choses concernant les différentes étapes du projet que je ne sentais pas du tout mais étant donné qu'il me rassurait en permanence sur tous les points qui me posaient problème, nous continuâmes à avancer.
J’avais besoin d’argent pour liquider des dettes anciennes, mon frère me proposa alors de racheter une partie des parts sociales d’une de mes sociétés qui possédait un immeuble très bien placé en centre ville, ce qui représentait une somme d’argent conséquente.
Mais il y avait là quelque chose qui ne cadrait pas dans le montage juridique et financier. Je le sentais ainsi et lui en fis part mais il resta intraitable et me répondit :
- "Encore une fois, tu te fais des idées".
C’était le refrain  familial qui reprenait du service. 
Néanmoins le montage me paraissait tordu.
- "Ne t’inquiète pas", me rassura-t-il, "c’est le conseiller juridique de la famille, (qui appartient au plus gros cabinet de la ville dont la renommée va jusqu’à Paris) qui prépare les documents. Tout est parfaitement en règle."
Il était vrai qu’un de nos cousins, un homme d’affaires très prospère, était aussi client du cabinet en question, les ayant même préférés aux professionnels parisiens, bien qu’habitant la capitale.
Bon. Cependant, il y avait toujours ce petit quelque chose que je ne sentirai pas jusqu’à la signature finale mais malheureusement, je ne m’écoutais pas.
Mon frère me voyant tout de même sceptique demanda à notre père d’assister à la signature chez le conseil juridique comme garant de ses bonnes intentions.
Un conseil qui nous était commun dans cette affaire.
Notre père, égal à lui même, se plia aux exigences de son fils et assista à la signature.
Pourtant j’aurai du me souvenir de la trahison qu’il m’avait déjà faite, négociant derrière mon dos le contrat de franchise pour son fils chéri. Déshabillant l’un pour habiller l’autre, tout en niant quelque mauvaise intention en me disant :
- "Comme d’habitude, il faut toujours que tu fasses des histoires  pour rien. Tu sais bien que tu as des qualités professionnelles que ton frère n’a pas."

Le jour de la signature concrétisant notre association, le conseil juridique me présenta les choses de telle manière que je me sentis en confiance. Tout avait été vérifié et était équitable pour les deux parties. Ce qui était bien le rôle qu’il avait à tenir dans ce cas de figure. Les papiers furent signés. Nous étions désormais associés mon frère et moi, sur nombre de sociétés présentes et à venir bien que deux d’entre elles restèrent en propre à chacun de nous, attendant de voir comment les choses évolueraient. Parmi ces sociétés désormais en commun, la cession de parts sociales qui me faisait tellement souci avait été également signée, mon frère récupérant ses parts et moi mon argent.
Mais l’année suivante, ce fut une autre histoire qui débuta. Notre expert-comptable dont le cabinet jouxtait celui du conseil juridique puisqu’ils travaillaient le plus souvent sur les mêmes dossiers avec les mêmes clients m’appela :
- "J’ai besoin de vous voir au plus vite. Quand pouvez vous passer?"
- "De quoi s’agit-il pour que ce soit aussi urgent ?"
- "Cela concerne le bilan de votre société que je suis en train de terminer."
Je convins rapidement d’un rendez-vous avec lui.
Cela ne faisait pas deux minutes que j’étais assise dans son bureau qu’il m’annonçât que le montage de la cession de parts tel qu’il avait été fait me mettait en abus de bien social caractérisé avec toutes les conséquences que cela entraînait.
En fait, je ne fus que moyennement étonnée qu’il y ait un problème mais par contre totalement sidérée par sa nature. Cela faisait maintenant des années que je ressentais une malveillance familiale mais je n’en avais jamais eu aucune preuve concrète. A chaque fois que j’émettais le moindre doute à ce sujet, j’étais rabrouée, traitée encore et toujours de "spéciale", "de penser des choses curieuses qui n’ont aucun fondement".

Eh bien là j’étais servie, j’avais ma preuve et pourtant ce n’était pas la première mais celle-ci, était de taille !!
J’expliquais à l’expert-comptable que tout ce montage juridico-financier avait été concocté par les bons soins de son voisin de palier, maître reconnu en matière juridique.
Il était donc urgent de le rencontrer avec mon frère.
Il fallait trouver des solutions et vite puisque j’avais touché une somme d’argent sur laquelle je n’avais aucun droit, appartenant légalement à la société, donc en partie à mon frère. C'était donc du vol. Mon frère de son côté avait acquis malhonnêtement des parts sociales d'une valeur conséquente sans avoir rien payé pour les obtenir.
Quant à l’argent que j’avais touché de cette vente, il avait  déjà été utilisé à rembourser des dettes, comme prévu dès le départ.
Nous décidâmes d’un rendez-vous en présence du conseil en question et de mon frère.
Aussitôt sortie, je lui téléphonais pour lui donner le jour et l’heure du nouveau rendez-vous sans pour autant l’informer du motif, pour éviter qu’il fuit, le connaissant trop bien.

Il arriva chez l’expert-comptable avec moi mais par contre le conseil juridique n’avait pu se libérer pour l’heure convenue. Nous commençâmes notre petite réunion à trois où il lui fut expliqué la situation gravissime dans laquelle je me trouvais à cause de la manière dont avait été montée cette cession de parts.
Il tomba des nues !!!
Et dès le lendemain, il se faisait hospitaliser en urgence,  comme à son habitude lorsqu’il avait un problème ou une contrariété qu’il ne voulait pas assumer.       
Le conseil juridique fut invisible pendant plusieurs jours jusqu’à ce que, furieuse, je prenne rendez-vous chez mon avocat qui, lui, le convoqua séance tenante, une fois que je lui eus expliqué en détails toute l’affaire. Il me confirma que le conseil avait commis une faute professionnelle grave car il aurait du  me prévenir des risques encourus puisqu’il était conseil des deux parties sans parler du fait qu’en sa qualité de professionnel et donc de sa responsabilité, la manière dont il avait conçu cette cession était pour le moins discutable.
Et il me dit :
- "Il faut d’ores et déjà prévoir de l’impliquer pour vous  protéger car selon comment les choses évoluent, vous risquez une peine pénale en cas de contrôle fiscal."
J’en avais pour trois ans à avoir cette Epée de Damoclès au-dessus de la tête.
Mon avocat était un homme en qui j’avais toute confiance. Il m’avait aidée à gérer mon divorce et avait réglé d’autres affaires pour moi.
Il était mon avocat et non pas celui de la famille. A diverses reprises, mon père et mon frère l’avaient rencontré pour certaines de leurs affaires mais cela n’avait  jamais vraiment collé entre eux.
En fait avec le recul, je pense qu’il savait très bien à qui il avait affaire.
C’était un homme à la tête d’un très gros cabinet et grâce à sa renommée d'avocat pénaliste, il pouvait  choisir ses clients et ses dossiers.
Aussi après m’avoir dit :
- "Vous vous êtes faite rouler dans la farine", il prit mon dossier en main.
J’étais présente lorsqu’il reçut le conseil juridique et là j’appris que ce montage spécifique avait été demandé par mon frère.
- "J’ai averti votre frère des conséquences que ce montage avait pour vous mais il me rétorqua que vous étiez au courant et aviez donné votre accord. Il m'a même précisé qu’il vous avait offert une compensation importante dont les modalités s’étaient réglées en famille".
D’où la présence de mon père pour aval aux yeux du conseil.

Le conseil était vraiment mal à l’aise, il pouvait soit mentir, soit dire la vérité, soit un mélange des deux. J’optais pour la seconde solution, reconnaissant bien là les manières de faire de mon frère tout en me disant intérieurement que je trouvais tout de même bizarre qu’un professionnel ait pu avaler une histoire aussi énorme, à savoir que j’aurais accepté de prendre un tel risque et de me mettre à ce point en danger !
Au vu de ses réactions, je compris que d’un point de vue extérieur, tout cette histoire  faisait un peu "mafia", aussi il avait sûrement préféré ne pas trop chercher à connaître les détails ni se mêler des arrangements internes à la famille.
Par contre, il n’avait eu aucun problème à facturer des honoraires astronomiques, ce que mon avocat lui fit adroitement remarquer au moins pour la facture me concernant puisque tout avait été ventilé par société. Il lui fut demandé de me faire un avoir du montant de cette facture, donc de rembourser ce qui avait déjà été encaissé, ce qui était pour mon avocat un premier pas dans le sens de la reconnaissance de sa responsabilité.
Ensuite il lui demanda de faire le nécessaire et le plus rapidement possible afin que mon frère me rende les parts sociales acquises frauduleusement. Ce qui signifiait un nouvel acte de cession de parts en sens inverse avec encore des taxes, impôts, honoraires et autres à payer. Tous les frais devraient lui être facturés. Il était également clair que nous  gardions la possibilité de porter plainte contre le conseil si j’étais mise en cause par l’administration fiscale.

Nous étions mi novembre 1992. C’était une année qui avait été faste en événements. Je reviendrai d'ailleurs sur la totalité de cette année.
Une fois cet aspect de l’affaire réglé si l’on peut dire, je tenais à rencontrer mon père qui était déjà au courant, ne serait-ce que par l’état de santé de son fils qui avait nécessité une hospitalisation immédiate.
Ne le trouvant nulle part, je fis un saut à la clinique où mon frère était depuis plusieurs jours et je trouvais là mes parents dans tous leurs états au chevet de leur fils adoré, attendant la visite du médecin.
Le moment était mal choisi pour lui parler. Mais mon frère, lui, profita de l’occasion, sur son lit d’hôpital, pour dire qu’il était vraiment désolé, que "si il avait su, il n’aurait jamais fait les choses de cette manière".
C’était vraiment se moquer du monde, enfin se moquer de moi. J’avais certes des problèmes affectifs mais idiote, je ne l’ai jamais été.
Mon père renchérit disant que "pour preuve, il n’y a qu’à voir dans quel état toute cette histoire l’a mis".
J’attendrais donc l’occasion de demander à mon père:
- "Comment est-il possible que toi qui est dans les affaires depuis plus de quarante ans avec un nombre d’associés, d’affaires de gros et de détail incalculable, n’ait pas compris ce que ton fils était en train de faire ?"
Je n’y croyais  pas une seconde. Mon père savait parfaitement ce qui se passait. Bien sûr, il ne reconnut  jamais rien et me dit :
-"Tu fais quand même beaucoup d’histoires pour pas grand chose puisque tu n'iras jamais en prison. C'est  vraiment n’importe quoi."

Le fait est que curieusement, c’est lui qui paya la note finalement.
Comme je l’ai dit brièvement plus haut, nous étions, mon frère et moi,  associés sur la majorité de nos affaires et de nos sociétés mais certaines nous étaient restées en propre à chacun.
Il y avait notamment un magasin sur lequel je n’avais jamais cédé qui m’appartenait toujours. Il en était de même pour lui sur deux sociétés.                     
Nous étions au début du mois de décembre 1992 quand j’appris par mon frère, enfin sorti de l’hôpital, qu’il venait de recevoir un avis de contrôle fiscal sur ses sociétés et sur ses comptes personnels. Il fut ré-hospitalisé immédiatement, ce qui faisait deux fois et bientôt trois, quatre, cinq. En fait entre  novembre 1992 et avril 1993, il était à mi temps à la clinique. C’était vraiment pratique.
Lorsqu’il m’apprit la nouvelle de son contrôle fiscal, je paniquais totalement. Etant désormais associée, qu’allait -il se passer pour moi ? Il  y avait de grandes chances, comme souvent dans ce cas de figure, que je vois aussi débarquer l'administration  pour nos sociétés communes et que je me retrouve dans une posture délicate. Naturellement j’avisai immédiatement mon avocat qui me dit :
- " Ne paniquez pas, nous avons des biscuits".
Néanmoins, je passais un hiver horrible et décidais d’en finir avec cette sale famille et toutes ces histoires tordues. Il fallait que je sorte de là de toute urgence. Mais reprendre ma liberté, c’était commencer par sortir de toutes ces sociétés dans lesquelles j’étais associée.
Je n’avais plus personne pour m’aider sur le plan juridique et comptable et surtout je n’avais plus confiance en personne, excepté mon avocat mais qui dans ce domaine ne pouvait rien pour moi.
Il me fallait un nouveau conseil juridique et un nouvel expert-comptable.
Chez moi, c’était hors de question, je n’avais plus confiance. Sur Paris, toutes les personnes qui m’étaient recommandées ou que je connaissais étaient juives, faisant plus ou moins partie de notre entourage. Je ne voulais pas non plus.
Je me sentais comme piégée. Il fallait que je fasse attention à qui j’allais choisir, connaissant trop les interrelations et interractions par intérêts croisés de tous les gens de la communauté.
Finalement, je trouvais un cabinet sur Nice.
 
Nice est une ville où vous avez deux sortes de professionnels:  ceux qui sont très rigoureux justement parce qu’ils sont sur Nice et ceux qui le sont moins. Je rencontrais là une femme visiblement étrangère à notre communauté qui me fit très bonne impression. Elle paraissait  intègre, pointilleuse et rigoureuse, ce qui m’allait parfaitement. Elle était associée à un expert - comptable du même acabit. Je leur expliquais donc l’affaire et ce que j’attendais d’eux.
Il y avait deux solutions ; où mon frère reprenait toutes les sociétés où il fallait toutes les dissoudre et les liquider. Dans tous les cas, comme j’étais, de surcroît, caution solidaire pour tous les prêts et découverts bancaires, il fallait agir avec prudence.
La situation était catastrophique notamment à cause de son ampleur, du nombre de sociétés concernées, des interrelations entre elles concoctées par le montage juridique tordu de mon frère et du conseil juridique.  
Début février 1993, je n’avais toujours pas récupéré mes parts sociales. De toute façon, je voulais faire vérifier le document par mon nouveau conseil avant de le signer. Et entre mon frère malade, les fêtes de fin d’année et moi cherchant de tous côtés des gens compétents, on s’était vite retrouvé en février.
Maintenant que je connaissais les options possibles, je devais prendre un peu la température familiale.

Comment allait-il réagir à tout cela ?
Pour lui en fait, tous ces évènements ne changeaient rien.
Il s’était excusé et paierait les dégâts. On allait remanier ce qui n’allait pas et on continuait comme si de rien n’était.
D’ailleurs entre deux hospitalisations, il avait trouvé un locataire pour un de nos immeubles commerciaux.
J’étais vraiment sidérée, c’était dans la droite ligne du comportement de mon père: aucun état d’âme, aucune conscience, aucune valeur, il n’y a que l’intérêt qui compte.
-"Pourquoi dramatiser et faire autant d’histoires, il ne t’arrivera rien et de toute manière je paierai ce qu’il y a à payer. Continuons, ce serait dommage de gâcher un si beau projet".
J’étais abasourdie en plus d’être furieuse.
Mais cette fois-ci, j’avais la preuve là sous les yeux à travers  cette situation traumatisante que mes ressentis, mes intuitions avaient toujours été justes.
J’avais raison depuis le début et même s’ils niaient encore, comme toujours,  quelque mauvaise intention, alléguant de mes éternelles idées bizarres et m’accusant de faire le mauvais choix en me séparant d'eux sous l’influence néfaste de mon "avocat goy",  leur discours n’avait plus d'impact sur moi, j’étais décidée à aller au bout de cette séparation.
Décidément, je n’étais pas faite du même bois que ces gens-là qui banalisaient toujours lorsqu’ils commettaient des actes répréhensibles et dramatisaient toujours lorsque ils étaient attaqués.
Ils démontraient une logique bien à eux et des réactions déconcertantes pour toute personne dotée de conscience.
En résumé, il n’y avait pas de problème, le problème venait de moi.

Lors d’un de mes voyages parisiens suivants, je rencontrais le fameux cousin fortuné à qui je racontais  toute l’histoire et qui me répondit:
- " C’est courant en affaires".
Plus tard, j’appris qu’il en avait fait de belles et qu’il n’était pas arrivé en haut de l’échelle sociale blanc comme neige.
Il est vrai qu’il y a toujours des professionnels pour accéder aux demandes peu orthodoxes de leurs clients à partir du moment où il y a des honoraires conséquents à la clé.   

Heureusement, j’avais mon avocat pour allié. C’était bien le seul qui me donnait raison. Et au moins il prenait mes dossiers à bras le corps pour des honoraires très raisonnables.
Pour moi, il n’y a rien de pire que de banaliser, de nier, de réduire à néant les ressentis d’un être humain car cela génère, au fil du temps, une souffrance profonde indicible en plus de saper la confiance et l’estime de soi.         
Donc lorsque mon frère me donna son point de vue, je lui rétorquais :
- "En ce qui me concerne, cette histoire est terminée. Il est hors de question de travailler ensemble. Soit, tu me rachètes mes parts, soit je m’occupe de dissoudre et de  liquider les sociétés."
C’est à ce moment là qu’il me révéla  que j’étais également liée à mes parents par deux d’entre elles.
C’était le bouquet. Je ne décolérais pas. Et surtout je commençais à paniquer de voir tout cet imbroglio se dévoiler devant mes yeux.
Finalement, j’avais vu clair depuis le début mais je ne m’étais pas faite confiance et on m’y avait bien aidée.
Il y eut même un moment où je me demandais si  j’allais tenir le coup lorsque je découvris toute cette manipulation orchestrée en coulisse.
Je suis  forte mais il y a quand même des limites surtout lorsque l’on n’est soutenue ni moralement ni affectivement d’autant que j’ai toujours été vulnérable sur le plan sentimental ayant besoin d’authenticité, d’intégrité et de profondeur.
C’est vrai que je suis née au bon endroit!
Donc je voulais me séparer de quelqu’un qui ne voulait pas. Encore une fois ! (voir chapitre sur mon mari).
Et encore une fois, je devais être prudente.
Il faudrait entretenir des relations avec la famille le temps de sortir de tout ça. Il faudrait composer puisque visiblement j’en avais pour un moment.
Effectivement, cela dura cinq ans avec des tensions particulièrement difficiles à gérer les premières années. Mais les traditions familiales n'en furent pas modifiées pour autant. Nous dînions régulièrement ensemble le vendredi soir et passions bien entendu toutes les fêtes ensemble, comme si de rien n’était.
Le problème n’existait pas, c’était moi qui le créait.

Je récupérais les parts sociales volées au printemps 1993 et n’eus jamais de contrôle fiscal.
J’avançais prudemment dans cette déconstruction juridique mais vu les imbrications qui avaient été mises en place entre mes parents et mon frère, il arriva un moment où je devais faire signer des papiers à mes parents qui, entre temps, étaient partis vivre  sur la Côte d'Azur d'où ils ne revenaient que de temps à autre pour s’occuper de mes grands-parents maternels.
Que mon frère et mes parents ne veuillent conserver aucune de ces sociétés étroitement liées entre elles par des accords soustraits à ma connaissance me démontra, s’il en était encore besoin,  combien leur seule intention avait été de m’utiliser à mon insu. Et d’autant plus que je leur avais fait très naïvement une démonstration de mes talents commerciaux avant mon association sur un de leurs magasins qui avait des résultats catastrophiques pour lequel j’avais redressé la situation en moins d’une année, reconstituant un bénéfice appréciable sur lequel je ne reçus naturellement jamais un centime.

Cette fois-ci, c’était au tour de ma mère de signer les papiers. J’avais peu affaire à elle directement car elle était passée maître dans l’art de manipuler fils et mari à qui elle faisait faire ce qu'elle voulait.
Ma mère aura vécu toute sa vie en se faisant passer pour celle qu’elle n’est pas, c’est à dire une pauvre victime, innocente, sans défense alors qu’ elle fut une manipulatrice redoutable agissant par procuration, laissant ainsi le soin de parler et d’agir à son mari et ensuite à son fils.
Mon frère devint dès sa naissance son bras armé contre moi, et tout particulièrement dans cette affaire où il s’agissait de se garantir des rentrées d’argent substantielles pour des années alors qu’ils approchaient de la retraite.
Le comportement de ma mère me posa longtemps un vrai problème de compréhension car c’est une femme que je voyais et ressentais plus peureuse que courageuse se cachant derrière son mari puis son fils, n’ayant aucun talent particulier autre que celui de séduire ses proies, de manipuler et de mentir à tout bout de champ, en plus d’être une grande comédienne.
La signature de ces documents fut finalement la seule fois où nous nous confrontâmes directement.
Un matin où je l’avais prévenue que je passerai à l’hôtel lui faire signer des papiers, il y eut une scène particulièrement violente dans la chambre d’hôtel où ils étaient descendus.
Il s’agissait d’une société où j’abandonnais tout, argent, bénéfice, parts sociales, et prenais les jambes à mon cou tellement épuisée, écoeurée et effrayée de ce que ces gens étaient capables de faire. Mais elle refusa de signer les papiers. Il était clair qu’elle ne voulait pas me rendre ma liberté, et que l’argent n’était que l’alibi ou plutôt  la carotte pour mieux m’asservir à leurs intérêts. Et moi, j’avais été assez naïve pour tomber dans le filet. Ils avaient utilisé mes besoins affectifs et dieu sait que j’en avais,  pour servir leurs intérêts - j’avais apporté mon savoir faire par le biais de marques et de produits pour lesquels j’avais signé des contrats d’exclusivité en mon nom qui rapportaient beaucoup d’argent mais à partir du moment où je partais, ils partaient  avec moi. Maintenant qu’elle avait goûté au bénéfice qu'ils généraient, elle ne voulait pas les lâcher.
Elle me joua sa grande comédie:
- "Nos rapports me rendent malheureuse. Tu es ma fille. Tu dois faire des efforts pour le bien de la famille. Combien de fois, j’ai accepté des choses qui ne me convenaient pas de mon propre père, de ma belle-mère, de mes belles -soeurs. Il faut mettre nos divergences de côté pour rester unis.Il n’y a que la famille sur qui nous puissions compter les uns les autres. Je suis ta mère et je veux ton bien. "
Elle se mit à pleurer à chaudes larmes se lamentant que je ne l’aimais pas, que je ne l’avais jamais aimé lui préférant mon père, qu’elle était très malheureuse, blablabla.
Et qu’elle espérait toujours qu’on devienne amies ! 

Ma mère a toujours été hystérique avec l’argent. Il a toujours été sa seule préoccupation, sa seule unité de valeur, sa seule motivation et l’objet de toutes ses batailles.
Et  moi, j’attendais de l’amour et de la reconnaissance de ces gens ! Désormais, je mesurais l’étendue des dégâts qu’une telle éducation avait eu sur moi qui ne rêvait que de nobles sentiments, de vérité, d’authenticité  de profondeur, de beauté.
Ce constat était risible s’il n’avait été dramatique.

J’étais née dans une famille pire qu’une prison où la liberté de penser et d’être n’existe pas où ne règne que la monotonie de la fameuse Tradition.
Non seulement elle m’avait instillé insidieusement au fil des années des croyances empoisonnées, en plus de m’ imposer une autorité oppressive et prégnante, une soumission à la famille via le respect des aînés et plus largement à la communauté via le respect des Traditions.
En fait, je n’existais pas pour eux en tant que personne ayant une nature, une individualité, une  conscience unique. Ils ne comprenaient même pas ce que cela voulait dire. Je n’étais qu’un élément appartenant à une famille, à une communauté et qui devait la servir. Situation encore aggravée par le fait d’être une femme.
La femme juive est inférieure à l’homme, reléguée aux fins fonds de la synagogue où religieux, rabbins et autres, ne lui serrent même pas la main de peur qu’elle soit "impure", ce qui signifie "avoir ses règles".
Il est interdit aux femmes juives d'étudier les textes sacrés du Talmud. Elles doivent se cantonner à comprendre la Bible. Cela me mettait dans une colère noire lorsque j'entendais mon grand-père et mes cousins dire que "nous, les femmes étions juste bonnes à essayer de saisir le sens de ce conte pour imbéciles, femmes et enfants."   
Aussi en tant que femme, je ne pouvais que m’attirer des ennuis en voulant étudier sérieusement les textes, en revendiquant des idées subversives à leurs yeux, une conception de la vie prônant indépendance, autonomie et liberté de pensée.
Mon grand-père me dit plusieurs fois :
- "C’est un miracle que tu sois encore en vie."
A l’époque je ne compris pas du tout pourquoi il me disait cela d’autant que c’était une des nombreuses fois où je le harcelais de questions sur des aspects que je trouvais suspects de la religion.

Or dans cette chambre d’hôtel, j’eus la grande maladresse de lui dire que j'allais raconter tout ce qui se passait dans cette famille. Je n’aurai jamais dû proférer ces menaces avec en plus une telle violence mais à l’époque, je ne réalisais pas à quel type d’individus j’avais affaire, je n’avais ni le recul ni la conscience ni la connaissance que j’ai actuellement et je me mis inutilement en danger. Pourtant je savais pour l’avoir déjà expérimenté plusieurs fois que je devais réfréner mes pulsions et mes besoins de vérité et d’authenticité, que je devais plutôt mentir et ne jamais dévoiler mes intentions mais ce jour là, ma mère m’avait mise hors de moi et ma nature impulsive avait pris le dessus. 
Finalement, elle signa les papiers et ne dit rien de plus mais je savais qu’il y aurait des conséquences à cette entrevue.
Comme à son habitude, ma mère avait encore cherché à me soutirer des informations, à sonder mon état d’esprit du moment pour pouvoir ensuite adapter sa contre-offensive.
Elle avait commencé par la douceur essayant de m’apitoyer, ensuite me manipulant jusqu’à me faire sortir de mes gonds. Et encore une fois, elle était arrivée à ces fins. Elle avait désormais ce dont elle avait besoin pour agir en conséquence.
Et j’allais payer mon inconséquence le prix fort.
J’avais trente neuf ans et elle, soixante deux !
Il se passa un certain temps avant que je ne revis mes parents.
Pendant ce temps, je continuais à défaire tout ce qui avait été fait sur ces sociétés et j’y laissais pour ainsi dire tout. Mais cela n’avait plus d’importance. Je m’étais faite acheter par de l’argent pour de l’argent, m’imaginant que par ce biais, j’achetais la part d’amour, de reconnaissance, d’appartenance et de respect qui m’étaient dus par cette famille. L’argent n’était qu’un outil pour moi, non la finalité. Or maintenant que j’avais la preuve tangible que tous mes ressentis étaient fondés, je n’avais plus besoin d’argent, tout du moins dans le sens, amasser, thésauriser.  

Le moment arriva où je me retranchais dans mon dernier bastion, mon dernier magasin qui en fait avait été le premier, celui sur lequel je n’avais jamais cédé. Ce magasin m’avait toujours été bénéfique. Je décidais de licencier le personnel existant et de me recentrer dans ce petit espace avant de partir vers une nouvelle vie.
C’est à cette époque, lui abandonnant tout ce qui me restait dans nos sociétés en commun que je négociais avec mon frère une somme d’argent à venir pour solde de tout compte.
J'avais rencontré Catherine et commençais à m’intéresser à d’autres réalités.

Mais cet accord qui finalement me liait encore à cette famille allait me revenir en  pleine figure à un moment où je ne m’y attendais pas et m’en étais "presque sortie".